mercredi 20 novembre 2013

Julos...et les gendarmes !

Cela se passait en 1974, je ne travaillais pas, je n'étais plus à l'école, je glandais chez mes parents à attendre de toucher du chômage. En ce temps-là je m'occupais en militant à la Jeunesse Communiste, je passais mes journées à "ranger" dans des caisses des tonnes de bouquins, grands classiques du Marxisme-Léninisme pour qu'on les conduise dans un autre local que celui de la rue Grétry (à Liège) promis à la démollition proche. Cela me permettait de dire que je "travaillais" même si cela ne me rapportait pas le moindre centime.

Ces livres étaient entassés dans une pièce humide au deuxième étage et descendre une caisse remplie par l'escalier au fines marches relevait de l'exploit, souvent nous descendions une volée d'escaliers sur les fesses tandis que la caisse en carton nous "explosait" dans les mains et les livres puant le moisi se répandaient plus loin dans les escaliers perdant au passage : là des pages, ailleurs un bout de couverture. Comme on n'en finissait pas et que bientôt les scellés allaient être mis sur le local nous entreprimes de descendre les livres restants par la voie des airs, jetés d'en haut ils se fracassaient sur la verrière qui elle finit par céder sous le poids, et la pluie en prime pour un recyclage avant la lettre ! Quel gâchis, digne de gauchistes, ceux qui gauchissent.

Il y avait deux jeunes militants avec moi, une frère et une soeur, Maria et Pierre S. russes par leurs parents immigrés à Liège depuis longtemps pour je ne sais quelle raison, ils devaient avoir 15 ans, j'en avais presque 21 j'étais déjà le vieux, je commandais la manoeuvre, c'est que nous n'avions que quelques jours pour tout sortir pour qu'on porte çà à la Rue Saint-Léonard, siège du Parti, où on dégageait aussi une pièce encombrée pour y mettre cette "bibliothèque".

De ce temps-là, ayant raté mes études au grand dam de mes parents qui avaient voulu me mettre à la gendarmerie disant "qu'il n'y avait pas de sot métier" et que pour un mec sans diplôme comme moi c'était pil-poil l'emploi qui convenait. 
Moi j'étais pas chaud, et j'osais rien dire à mes petits camarades qui finirent quand même par le savoir et certains, des décennies plus tard, d'avoir des doutes à mon égard comme si j'étais un flic infiltré. 

Fin 73,  j'avais passé des examens de recrutement comme candidat sous-officier puis candidat-sous-officier d'élite à la gendarmerie et les avais brillament réussi, même les épreuves de maths, c'est dire si c'était facile ! Calé à la visite médicale pour strabisme convergent de l'oeil gauche. La personne me pistonnant dans cette grande maison conseilla à mes parents de me faire opérer pour réussir la partie médicale du second examen réussi. Opéré début novembre, un cata de plus pour mes parents : comme je n'étais plus bénéficiaire d'eux pour la mutuelle le 1 novembre, ils ont du se chiquer l'opération et mes deux jours d'hosto à 1OO % ! 
Las, j'ai échoué pour le même motif, même si je ne louchais plus, le médecin de la gendarmerie me dit, le sourire en coin, que mon strabisme était en fait ma carte du Parti Communiste dans mon porte-feuille. 
Cela plongea mes parents dans une haine profonde de la gendarmerie et ils apportèrent du coup un grand soutien aux amis communistes et à mon Parti !

Mes parents me laissèrent dont travailler gratos pour le Parti Communiste faisant croire aux voisins que j'avais un job au parti, que j'y avais été pistonné par je ne sais quel député ou sénateur inventé par eux de toutes pièces, d'ailleurs j'allais y devenir "directeur de l'information" et j'avais deux apprentis sous mes ordres. Chez mes parents, ma mère surtout, il fallait soigner le "qu'en dira-t'on ?".

Or donc un  soir de mai ou juin 1974, il faisait bon je suis rentré à la maison avec l'idée de, pour une fois, regarder la télévision, au Parti on m'avait conseillé une émission avec Julos Beaucarne, ce chanteur belge très apprécié à gauche... mais c'était sans compter sur mes parents, ma mère surtout, vissés à la télé chaque soir à regarder RTL et TF 1, en fumant cigarette sur cigarette et buvant leur Stella à température de la pièce, surtout les variétés les plus nulles, alors quand j'ai proposé l'émission intello avec Julos, j'ai vite compris qu'il allait être temps de voler de mes propres ailes. 

J'essuyais un refus catégorique avec tout le rappel de frais pour moi depuis ma naissance en plus que je n'avais pas encore duant 2O ans ramené le moindre salaire, la moindre contribution au ménage et que, si j'insistais, je pouvais "prendre mes cliques et mes claques" et partir à tout jamais du cocon familial.

Pragmatique mais surtout peu aventurier, je fermais ma gueule et pris en horreur Julos Beaucarne et ses chansons.

Au 1 juillet 1974, l'ONEM me trouva un job de porte-mire dans un bureau d'études travaillant sur les grands chantiers, deux semaines de boulot puis les congés du bâtiment (auxquels je n'avais pas droit en argent) donc un demi mois de salaire pour commencer, quatre mille francs, (100 euros), juste de quoi m'acheter ma première chaine stéréo pour écouter en boucle les deux seuls 33 tours que nous possédions (Le Concerto de Varsovie et le concerto pour une voix de Saint-Preux), fin août j'allais toucher encore un salaire amputé autour de 7OOO francs (175 euros) et là je compris ce que cela voulais dire "gagner sa vie"... mes parents me laissant payer la note du Super GB de Chênée le premier samedi du mois : 5OOO francs ! C'était pour commencer, mon salaire complet était de 92OO francs (230,00 €) après j'ai dû participer à l'eau, l'électricité, le gaz, je devais payer pour téléphoner, mon bus pour aller au boulot, en fin de compte en travaillant 41 heures par semaine avec deux heures de déplacement par jour, j'avais en main quasiment moins que l'argent de poche qu'on me donnait quand je ne travaillais pas ! 

Et pourtant j'allais seulement quitter la maison de mes parents en septembre 1977, mais il y a d'autres histoires entretemps, ce sera pour un autre jour. Désolé pour les lecteurs qui pensaient que j'allais écrire plein de choses sur l'ami Julos Beaucarne, ce sera pour une autre fois avec un très bon souvenir solidaire avec lui dans une grève de la faim d'amis kurdes à liège bien plus tard !

Voila encore un espace temps qui pourra s'intégrer dans mes "mémoires" si un jour j'arrive à mettre bout à bout les morceaux, dites-moi en commentaires ce que vous pensez, même si vous en pensez du mal, merci !

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